mardi 17 octobre 2017

L'écologie de marché

Les dérives de l'écologie de marché

Jean Pierre Riou 

La sixième extinction de masse des espèces menace indirectement la survie de l’humanité. Contrairement au discours convenu, la question climatique, pour alarmante qu’elle soit, n’en est pas la principale cause.

Et sur les 23 250 espèces figurant sur la liste rouge de l’UICN, l’ours polaire, malgré le réchauffement et la réduction de son habitat, n’est classé que dans la catégorie « vulnérable », qui regroupe les espèces les moins menacées. Sa population n’ayant d’ailleurs jamais été aussi importante.
La principale menace provient du pillage mercantile des ressources de la planète, qui les transforme en biens de consommation et réduit l’habitat de chaque espèce comme peau de chagrin en imprimant irrémédiablement sa signature industrielle sur le peu qui en reste, par sa pollution aussi bien chimique, visuelle, que sonore.

Les nouveaux écologistes

Brassant chaque année les dollars par centaines de milliards et, paradoxalement issue de l’alliance contre nature entre écologistes et marchands du temple, l’« écologie de marché » a entrepris d’accélérer le massacre. Agitant à la fois le spectre d’une apocalypse nucléaire, d’une fournaise climatique et de l’immersion de territoires, prélude aux invasions de bandes armées, cette nouvelle religion, qui prélève ses « indulgences » sur des consommateurs, forcément coupables, prétend, à grands coups d’argent public, terrasser le mal suprême que constitueraient les émissions de gaz à effet de serre (GES) issues de l’activité humaine et communément exprimées en équivalent CO2.


 

dimanche 1 octobre 2017

La mort par le charbon



Eoliennes et climat: vers la fin d’un modèle ?
Jean Pierre Riou
Partie 2
La mort par le charbon : Moins médiatique mais plus sûre.

(Suite de la Partie 1


Le surdimensionnement du parc électrique allemand a été mis en évidence dans une première partie de cet article « Retour aux sources de l’Energiewende ».

Certains veulent y voir une complémentarité intermittent / pilotable.
Le présent article tend à conclure à un véritable parasitage des centrales pilotables par des moyens subventionnés qui ne peuvent se passer d’elles et dont les conséquences sont aussi négatives sur la santé que sur la sécurité.

Le parc nucléaire français en fait les frais, par un suivi de charge qui le fragilise et augmente la quantité de ses effluents radioactifs.
Les allemands s’y sont risqués avec 2 réacteurs, celui de Brokdorf n’y a pas résisté.

Il en va d’ailleurs de même pour les circuits de vapeur des centrales thermiques conventionnelles soumises aux mêmes contraintes. Et outre la disparition de leur rentabilité, les régimes chaotiques qui leurs sont imposés entraînent également l’augmentation de leurs facteurs de pollution, ainsi que nous l’avions évoqué dans : http://www.economiematin.fr/news-quand-les-eoliennes-augmentent-les-emissions-de-co2

Un élément a pourtant échappé à cette analyse : la consommation des centrales à charbon même à l’arrêt.
En effets, celles ci sont fréquemment en pré chauffe, régime le plus polluant, sans produire d’électricité pour autant, et sans, d’ailleurs, que cette pollution extrême soit prise en compte par les analyses qui se contentent d’en mesurer la production électrique.

Une idée de ce problème peut être évoquée par les données RTE qui indique la production détaillée par centrale, pour chaque heure de l’année.
Celles-ci indiquant des périodes plus ou moins longues de « production négative » d’une grosse vingtaine de MW avant chaque entrée en production positive. 

Ces productions négatives, dont la plus grosse part provient de la consommation des pompes de refroidissement (une vingtaine de MW), peuvent s’étaler sur plusieurs jours, comme du 20/03 au 24/03/2016 dans la centrale à charbon de Cordemais. 
Le graphique ci-dessous indique les productions des 15/16 octobre 2016, avec, de gauche à droite, les centrales à charbon de Cordemais 1 – 2 E. Huchet, Havre 4, et Provence. Il montre une consommation correspondant aux pompes de refroidissement en pleine activité pour Cordemais et des variations de plus de 150 MW en quelques heures pour les 3 autres.


Il est aisé de comprendre que plus la puissance intermittente raccordée au réseau sera importante et moins les centrales pilotables pourront fonctionner à leur régime optimum, qui est le moins polluant. Aucune, pour autant, ne pouvant être supprimée.

L'Allemagne en flagrant délit
Chaque période anticyclonique, (donc sans vent), s’accompagne d’un recours massif au charbon en Allemagne, comme c’était le cas fin septembre, où le parc éolien avait pratiquement cessé toute production, ainsi que le solaire, comme chaque soir :


On note d’ailleurs sur ce graphique la variation considérable du taux de charge de la filière charbon, en brun foncé, avec l'augmentation de pollution qu'elle implique.
Sans surprise, sa pollution extrême a laissé quelques traces dans l’atmosphère, ainsi que l'indiquait le site PREV'AIR, dès le lendemain de cette performance charbon/lignite.


Cet anticyclone étant, comme c’est généralement le cas, accompagné d'un mouvement des masses d'air d'est en ouest, ainsi que les 3 jours qui suivirent :


 (Encore mieux visible en cliquant sur l’animation : GFS / NCEP / US National Weather Service)
Le trajet de ce nuage de pollution n'était guère difficile à prévoir ...
 Ci dessous le 25/09


Puis le 26/09 


Copernicus
Depuis fin 2016, le programme européen Copernicus permet une surveillance transfrontalière des émissions polluantes.
Et cette fois, les défenseurs de la politique allemande de production d’électricité auront du mal à nier que c’est sa pollution qui traverse les frontières pour y provoquer des milliers de morts chaque année.
En effet, la responsabilité de ce nuage allemand dans la pollution Bruxelloise a été confirmée par les prévisions de Copernicus (Country Attribution).

 

Cette analyse par Copernicus est accablante et impute les 2/3 de la pollution bruxelloise à l’Allemagne ce 25 septembre.
Un récent rapport chiffrait à 2490 par an le nombre de décès imputés au charbon allemand hors de ses frontières, dont 490 en France.
Les détracteurs du mix électrique français actuel ne semblent pas avoir compris que ce n’est pas en le parasitant avec des énergies intermittentes qu’on en améliorera la sécurité, encore moins les performances climatiques.

Lesquelles performances climatiques françaises se sont d’ailleurs vu attribuer le meilleur indice mondial d’efficacité.
(Source Germanwatch / Climate Action Network)

En matière de climat, comment peut on encore parler de retard sur l'Allemagne du développement éolien ?

Eoliennes : la fin d'un modèle ?



Eoliennes et climat: vers la fin d’un modèle ?
Jean Pierre Riou
Partie 1
Energiewende : la fin des ambitions

En 2014, le vice Chancelier Allemand Sigmar Gabriel, ministre de l’économie et de l’énergie déclarait déjà : « La vérité est que la transition énergétique [« Energiewende », le plan allemand visant à faire passer la part de la production « renouvelable » d’électricité à 80% en 2050] est sur le point d’échouer. La vérité est que, sous tous les aspects, nous avons sous-estimé la complexité de cette transition énergétique. La noble aspiration d’un approvisionnement énergétique décentralisé et autonome est bien sûr une pure folie ! Quoi qu’il en soit, la plupart des autres pays d’Europe pensent que nous sommes fous. »

Dans son rapport « Transition énergétique allemande : la fin des ambitions ? » France Stratégie stigmatise l’échec climatique de l’Allemagne malgré son développement spectaculaire des énergies renouvelables.
Quelques jours plus tard, c’est la Cour des Comptes européenne qui fustigeait ce développement des énergies renouvelables et en dénonçait les coûts et l’inefficacité.

Les rapports s’accumulent désormais pour établir que le bilan climatique de cette politique est pire encore qu’on le craignait, malgré les milliards d’euros qui lui ont été consacrés.

Notre « modèle allemand » étant même l’un des seuls pays au monde à voir les émissions de son secteur de l’énergie croitre depuis 2010 !


(Source Enerdata)

Nous en avions publié une analyse dans « Ubu chez les allemands ».

Retour aux sources de l’Energiewende
Pour toute analyse, la rigueur des sources est fondamentale, le présent article vise à préciser celles concernant l’évolution du parc électrique allemand dans cette première partie.
Une seconde partie insistera sur les conséquences de cette évolution.

L’excellent site Energy Charts indique l’évolution de la puissance installée de chaque filière de production d’électricité en Allemagne.
La capture d’écran annotée ci-dessous en a déjà été utilisée maintes fois pour montrer que la formidable puissance éolien/solaire allemande - 1 ½ plus puissante que tout notre parc nucléaire - n’a pas été en mesure, depuis 15 ans, de remplacer le moindre MW pilotable installé, en raison de l’intermittence de sa production.
Celle-ci étant en effet susceptible de s’effondrer à 0% de la puissance installée pour le solaire et guère davantage (jusqu’à 0,5%) pour l’éolien.
Selon ce site, les 11,6 GW nucléaires fermés depuis 2002 auront été largement compensés par + 9,6 GW de gaz et 5,8 GW de biomasse, la ligne rouge horizontale dénonçant l’absence totale de réduction de ces moyens pilotables.

Toutefois, un léger hiatus s’est glissé en 2011 en raison d’un changement de jeu de données dans les sources du site Energy Charts : BMWi jusqu’en 2010, Bundesnetzagentur ensuite.
L’incohérence qui résulte de ce changement de source, par comparaison avec les moyens effectivement fermés et ajoutés annuellement sur ce même site, n’a pas échappé à la perspicacité de Nicolas Meilhan, membre des « Econoclastes ». 

Après avoir eu confirmation de ce hiatus auprès du responsable du site, N.Meilhan en a reconstitué l’évolution, par comparaison des différents jeux de données utilisées, notamment ceux de BDEW et de Bundesnetzagentur en regard des modifications annuelles de puissance installée de Energy Charts.
Et rétabli, à source constante, une évolution plus précise et plus complète des puissances installées qu’il publie dans une mise au point sur le site des « Econoclastes ».
Le graphique ci-dessous récapitule cette évolution, nous y avons reporté, en vert, la même ligne horizontale séparant les moyens pilotables de la capacité intermittente (éolien/solaire), au dessus du trait.
 Le paradoxe de l’intermittence
Ce graphique, qui remonte cette fois jusqu’à 2000, fait apparaître un paradoxe.
On y constate, en effet, que non seulement la capacité installée des énergies pilotables n’a aucunement été réduite par de développement des énergies intermittentes, mais que la tendance à la baisse, amorcée dès les premières années 2000, semble s’inverser avec le développement exponentiel des énergies intermittentes.
Exception faite, bien sûr, de la chute brutale en 2011, décidée dans l’urgence de l’après Fukushima.
Cette « sortie du nucléaire » allemande ne représente d’ailleurs qu’une réduction de 11,6 GW depuis 2000, c’est à dire même pas l’équivalent des réacteurs français arrêtés en même temps l’hiver dernier pour contrôle de l’ASN.

Cette analyse de l’évolution du parc électrique allemand met en évidence le fait que les fermetures de ces réacteurs n’ont pas plus de lien avec le développement éolien que celui du solaire, puisque l’équivalent de leur puissance a été plus que compensée par + 9,44 GW de gaz, + 6,7 GW de biomasse et + 1,4 GW d’incinération de déchets.
Et ce, malgré une réduction, dans le même temps, de 3 GW de fioul.

Et ses deux conséquences majeures
- Ce surdimensionnement du parc électrique allemand, qui correspond pratiquement au doublement de sa puissance par des moyens intermittents, entraîne des surproductions considérables chaque fois que le vent souffle et que le soleil brille, et entraîne chaque année l’obligation d’exporter pratiquement l’équivalent de la moitié de la production éolien / solaire, soit 44% en 2016 avec 50,44 TWh, plaçant l’Allemagne au 2° rang mondial des exportateurs d’électricité.

-          La seconde conséquence est le fonctionnement chaotique  et régimes partiels que ce surdimensionnement du parc électrique allemand impose aux centrales pilotables, avec des conséquences négatives sur les émissions polluantes ainsi que sur la sécurité.

Ces conséquences font l’objet de la seconde partie de cet article :